Les récits dispersés de Maire-Jo Faggianelli

Publié le par Mains d'Oeuvres

Les fleurs, le langage visuel des objets, le trait net et souple des estampes japonaises, les haïkus….

Puisant sa source dans cet art de l’ellipse, récits dispersés dépl(o)ie le motif de la fleur – puissance silencieuse portant en elle l’espérance d’une certitude : celle d’une joie, d’une perfection, d’une ouverture vers l’infini. En quête d’un au-delà du mouvement, à l’affût des moindre sensations bienheureuses, la pièce s’addresse d’abord aux sens.

Ne rien expliquer, créer des paysages, une île, un champ d’attente, de rêve, de saisissement…

Rendre visible le silence, « l’être-là des choses ».



Récits dispersés de Marie-Jo Faggianelli




Sources

Les fleurs
Peintures ou récits dispersés
La fleur, sous ses milles aspects, porte à nos yeux l’espérance d’une certitude, celle peut-être d’une joie, d’une perfection, d’une ouverture vers l’infini. Dans l’affirmation d’une puissance silencieuse, elle nous indique les traces d’un récit. Ecriture de l’invisible ne porte-t-elle pas en elle les traces de dieux enfuis, ne chante-t-elle pas le sacré du monde ?
Une chorégraphie, comme une prière.

Descriptif

Une scénographie où des fleurs dessinent l’émotion, comme une nature morte.
Les danseurs s’y glisseront, témoins d’un monde qui s’éveille. Leurs mouvements à la fois désordonnés et chorégraphiés, témoigneront d’une faculté vitale d’être disponible au monde. J’aimerais donner l’impression qu’ils glissent, qu’ils volent. Les gestes, les couleurs, les sons devront surmener notre regard, nous rendre attentif à des espaces secrets,enfouis qui ouvrent pourtant la porte vers l’incommensurable.Être à l’affût des moindres sensations bienheureuses. Nature familière qui entoure et protège.Dans un rapport intime à la terre, présence du sacré, l’esprit s’y moule, s’en gorge, les sens en éveil, quelque chose doit vibrer.Récits de lieux, de vêtements, d’objets. Tout ce qui sera sur scène devra s’adresser d’abord aux sens.Des images surréelles, où les vêtements n’auront pas pour fonction de révéler le quotidien.Bien au contraire dans cette pièce, ils participeront à une anarchique splendeur. Il s’agira donc d’oser les tissus,les formes sans jamais donner un quelconque sens définitif à ce qui se déroule devant nos yeux.

Ne rien expliquer


Créer des paysages, une île, un champ d’attente, de rêve, de saisissement.



Ecriture
J’aimerais atteindre à une forme chorégraphique toute particulière où l’essentiel se joue au-delà du langage du mouvement.

Créer des images, transmettre des sensations par une superposition de strates d’un sensible sauvage, impensable,une vision inédite.

Créer un silence émergé d’autres langages silencieux et superposés les uns aux autres, en résonance. Mettre en scène le mouvement de la pensée
Trouver une sorte d’état limite de la chorégraphie où sa forme idéale relèverait d’un art de la disposition.Mettre en place une palette de mouvements, de gestes, d’objets qui dans un jeu de rapprochement, d’éloignement,de réverbération, atteindra à un équilibre final. Créer un univers riche de couleur.Ne pas craindre une saturation de signes.
Restaurer ainsi des images du monde dans leur hétérogénéité et leur violence première. Rendre visible le silence, « l’être-là des choses » sera le fil directeur du processus de création. Il s’agira de travailler sur tout ce qu’un corps est capable d’émettre de forces invisibles. Travailler sur ce que le mouvement fait surgir, sur ce que les images dessinent. Voir ce qui n’est pas montré, entendre ce qui n’est pas audible. Un silence plein, une sorte de polyphonie, une densité multi-sensorielle sublimant les sensations perceptibles, à l’image d’une nature morte.Sur la matière même de la danse, je cherche une qualité particulière d’abandon, tel un vêtement qu’on dépose,
telle une chose, des corps évidés d’eux-mêmes soumis à des lois profondes, à des impulsions secrètes. J’aimerais aussi travailler sur des états de fatigue extrême, mettre en scène la beauté d’un corps épuisé, état qui permet
de trouver la justesse et la simplicité des mouvements.Enfin, introduire à certains moments, une temporalité autre, proche de la lenteur des rêves.Trouver cette fluidité, cette évidence du rêve, sa portée poétique profonde.

Le monde du rêve s’épanche lentement.





J’imagine des séquences de beauté pure. Des images circulent comme des évidences. Correspondance sereine et transparente. Opérer une échelle de correspondance entre l’esprit et la matière. Questionner l’univers.
Aveugle au milieu de mes idées, faire émerger l’impensable, se laisser transformer. Se laisser guider par des visions, des sensations ; sentir le monde plutôt que l’expliquer.

Comment parler de l’infini ?

Il s’agira de bousculer les visions, de télescoper les espaces pour qu’en émergent d’énormes densités silencieuses. Confrontation des paysages dans un espace de l’étrange, de l’incertitude.

Il s’agirait d’une plongée dans l’essence.





L'inspiration, les sources du travail de Marie-Jo Faggianelli

"Si le désir de danse peut naître d'une rencontre, celle avec le chorégraphe danseur Hideyuki Yano a été décisive dans mon parcours. Avec lui, d'emblée, le support imaginaire déterminait le mouvement, sa qualité. La gestuelle ne reposait plus sur des codes, mais sur des images internes.Il posait une « danse matière » où son rapport aux éléments témoignait d'une force téllurique.
Le concept d'improvisation restait le principal réservoir de recherche.
Cette démarche, en correspondance avec mes axes de sensibilité, a construit mon travail d'interprète ;elle sous-tend à présent mon travail de création.
La matière de mes pièces est totalement imaginaire, difficilement identifiable en amont. Je travaille au moyen d'images quasi inconscientes qui dans une lutte quotidienne avec les matériaux se décantent, s'impriment ou s'effacent.
Il s'agit d'une recherche et c'est au fur et à mesure de ce travail que je formule ma pensée. Il est nécessaire de faire confiance à une impulsion profonde, à une forme d'instinct. Les supports imaginaires sont en relation avec la mythologie, la poésie, la litterature et certains aspects
du cinéma.

Les images véhiculées par ces domaines sont des sources, comme une mémoire lointaine, comme une résonance.Chorégraphie et Scénographie s'interpénètrent.
La scénographie témoigne de l'importance des choses, de l'objet insignifiant, sauvé de l'abandon, comme trace du pas de l'homme, et de celle du temps.
Elle porte les marques d'un mouvement, fait écho à une mémoire qu'elle rapproche du présent. Elle doit posséder une vraie force visuelle, au même titre qu'un corps.Elle actionne la chorégraphie.A travers elle, c'est le thème récurrent de la terre, (la terre qui nous porte) qui influe sur les corps.
Elle opère sur la fragilité des sens, pose l'univers des sensations.
Au même titre, le corps et la chair du danseur est l'objet et le sujet, le matériau même de la danse.

Ainsi, une fusion s'opère entre les éléments, les corps, les objets, les sons, les pensées, crée une matière visuelle mouvante, parfois picturale, absente de sens définitif. Cette élaboration de matériaux visuels nécessite un travail incessant sur la qualité de la danse.Pour qu'elle réponde à un critère de « justesse », la gestuelle trouvée doit être répétée jusqu'à ce qu'elle
devienne à un tel point familière, que le corps agit sans s'en apercevoir.
Mon souhait est de livrer quelque chose « d'intimement ressenti ».
Dans un monde, où, nous vivons « distraits », mon propos est de fournir au spectateur un champs de réflexion, un simple support à la méditation, au « laisser être ».
Marie-Jo Faggianelli



Interrompant des études supérieures en philosophie, elle entre dans
la danse par le Dojo. Elle suit les cours de la féline américaine Lila Greene
et, à vingt ans, elle a déjà travaillé avec Sidonie Rochon, grâce à qui
elle fait la connaissance de Hideyuki Yano, à l’époque glorieuse d’indépendanses.


Mais, trop jeune probablement, son admiration pour le Japonais magicien n’a pas suffi à la faire entrer dans le groupe Mâ, qu’il forme avec Elsa Wolliaston,Mark Tompkins, Lila Greene, Sidonie Rochon et François Verret. Elle avancera cependant dans son ombre portée, apportant à Sidonie Rochon, quelques matériaux à peine balbutiés pour les deux premières pièces, Mue (79) et Chaos sensible (80). Dans ce creuset, elle fait la connaissance de Karine Saporta.

Désormais ces deux aventures créatrices vont s‘entremêler, dans une économie étrange et non exempte de frustrations pour les deux chorégraphes dont elle devient tour à tour l’une des interprètes préférées. Elle rencontre Karine Saporta, au début de sa carrière, à l’époque où l’on invente une autre manière d’envisager la relation entre la danse et les arts plastiques, notamment en intervenant dans des galeries d’art, selon une démarche très proche de la «performance ». [...] Eloquante interprète, Marie-Jo Faggianelli participera à sept créations de Karine Saporta : des pièces conçues comme des dispositifs scéniques articulant un rapport aux objets important et complexe (telles ces loupes géantes appliquées sur les mains ou le visage qui, dans le Coeur métamorphosé, disloquaient les proportions, dissolvaient les repères du corps), où la danse se fait moteur vibratoire, aux grandes oeuvres saportiennes, où l’objet peu à peu se dresse comme figure d’affrontement. Comme si la danse manifestait un trop plein d’être, que les objets extérieurs menacent, heurtent
ou rejettent, de toute la force d’une inadéquation fondamentale et mortifère.
[...]




Marie-Jo Faggianelli traverse ainsi cette gestuelle de la crise, qui arc-boute le corps, le convulse dans un paroxysme psychique et musculaire, cette cassure violente du geste, qui accentue les cambrures,contracte les muscles dans une succession répétitive de motifs obsessionnels essentiellement portés par le corps féminin : elle épouse les transitions dans l’enchaînement du geste. Et suspend, parfois, des moments d’attente, d’implosion. Ou l’échappée d’un bras,d’une main,dans un mouvement très doux, plein de grâce.

Entre deux oeuvres de ce langage savant, épuisant, exigeant une maîtrise
technique, nerveuse, émotionnelle, à la limite du soutenable, elle
retrouve l’écriture souverainement délicate, la fine architecture sensuelle
de Sidonie Rochon, écriture diaprée de flux japonais dont elle a appris
la violence contenue, la minutie incisive et aussi une certaine façon d’utiliser la répétition. 
[...]


Riche de cette énergique violence qui dort sous l’austérité d’une gestuelle
aux bifurcations inattendues, elle se glisse dans son propre projet,
comme portée par cet irrépressible besoin de s’exprimer seule – que
connaissent certains interprètes parvenus à un haut degré de participation
créative. Comme filant la métaphore de cette femme arrimée à une
planche, à l’énergie abandonnée d’une dormeuse (l’Érosion du provisoire),
elle crée, de 1994 à 1997, trois solos de femme : Oreiller slave (94),
Moisson (95) et un Coeur réduit à un point (97).


En trois pièces, trois tableaux, Marie-Jo Faggianelli ouvre un monde où
la matière est souveraine. Une matière qui s’affirme d’emblée avec
rudesse : feuilles mortes, fagots, abri rugueux, bois tressé, long panache de
rafia, hardes et fichus, sa danse commence comme un hiver. Et si elle
s’épanouit bientôt dans le corps et la chair de sa danseuse, c’est que celleci
est à la fois l’objet et le sujet, le début et la fin, le matériau même de la
danse et du désir de danse.


Dans un mélange d’art pauvre et de sensualité, dans le dévoilement progressif
et la tranquille affirmation d’une nudité lumineuse, dans le jeu des couleurs
et des sons, se tient le récit. Brun sourd du minéral, rousseur diaprée du
corps et de la chevelure, suavité d’une musique cultivée qui au-delà du charme
fait rendre son aux objets, qualité du mouvement enfin, entre saccade,
tension et soudain abandon, l’histoire naît du trouble.

[...]

Une tension court dans l’univers de Marie-Jo Faggianelli, un désir qui parcourt
la mémoire humaine, une mémoire profonde, atavique, presque organique, faite de silence et de lenteur gestuelle, une prise de conscience par l’introspection et la décantation, et qui semble désigner un lieu enfoui, et toujours inatteignable. Une ligne ondulante ou fragmentée où la chorégraphe découvre un térritoire porreux, comme si elle ne désirait rendre visible rien d’autre que la dissipation du mouvement corporel animé par son propre souffle.Il y a ainsi chez elle une manière précieuse de nous rappeler à la sensibilité de la danse, à sa visibilité : là où il advient des éveils de corps,des courts-circuits dans la perception qui tout à coup révèlent des lignes d’intensité assoupies. Quelque chose comme un saisissement…"
Laurent Barré

© Mohamed Khalfi


cette pièce a été présentée les 12 et 13 juin 2009


chorégraphie : Marie-Jo Faggianelli / interprètes • Marie-Jo Faggianelli Wen-hsuan Chen / composition sonore • Eric Maurin / costumes • Anna Deschamps, Lisa Novara / Lumières • Paul Rivel



La presse en parle…

"Chaque geste qui s’inscrit dans le silence est déjà plein du moment suivant inscrivant dans l’air des lignes vibratoires.[...] "récits dispersés" tient la scène par son écriture concentrée, sa danse fluide et hiératique, assez proche du héritage wigmannien, qui fait confiance à une danse se suffisant à elle-même..."
Agnès Izrine, DANSER, avril 09

Les bloggers aussi…

http://imagesdedanse.over-blog.com/article-32694602.html
http://unsoirouunautre.hautetfort.com/archive/2009/06/12/recits-disperses.html


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