Autour de Camera Lucida

Publié le par Mains d'Oeuvres

autour de Camera Lucida

Une pièce d’Eric Senen avec Pascal Allio et Fatima N’Doye

Eric Senen, d'origine néerlandiase, est chorégraphe, pédagogue et peintre. Il vit et travaille à Paris. Mains d'Œuvres l'a invité pour présenter sa dernière pièce, Camera Lucida*.

Ne pas oublier qu’il y a encore des êtres qui, sur une ligne suspendue, essaient de trouver un équilibre pour ne pas totalement disparaître dans un vide plein de trop.

Comment gérer le sentiment de culpabilité en se confrontant à
son propre passé pour faire face à l’horreur ?


voir un extrait

http://www.cielets.com/#


Eric Senen a souhaité dédier cette pièce à Marek Rudnicki, mort en septembre 2004 à Paris. Rescapé de la Shoah et de l'insurrection de Varsovie, émigré en France où il devint peintre et illustrateur, on lui doit l'un des plus beaux portraits de Korczak. Ecrivain, médecin, éducateur, Janusz Korczak est entré dans l’Histoire le jour de sa déportation au camp de Treblinka, accompagnant dans la mort les enfants du ghetto de Varsovie qu’il avait refusé d’abandonner. Personnalité scientifique la plus en vue dans le domaine de l’enfance en Pologne, Janusz Korcrak oeuvrait depuis le début du siècle à une refonte complète de l’éducation et du statut de l’enfant. Marek Rudnicki avait été le témoin visuel de la dernière marche qui conduisit Korczak et les 200 enfants juifs de l'orphelinat du ghetto vers l'Umschlagplatz, la place d'embarquement à destination du camp d'extermination de Treblinka, en août 1942. Le récit de cette triste marche a été traduit en français en 1988 sous le titre « Le dernier chemin de Janusz Korczak». La rencontre d’Eric Senen avec Marek Rudnicki a été le point déclencheur de Camera Lucida.


Comme écoute et comme résonance...


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« La démarche chorégraphique se développe toujours chez moi à partir de l’émotion et de l’inconscient dont j’essaie de ne pas entraver le cours. La base de toute création est cet état intérieur en prise directe avec l’imaginaire qui seul permet l’émergence des choses. Je ne cherche jamais à créer des pas, à définir des figures mais au contraire à laisser naître des formes qui elles-mêmes constituent le surgissement du sens.

Cela ne peut se faire qu’avec des interprètes exceptionnels qui ont une compréhension intuitive de mon travail. Dans ce cas, je peux faire une chorégraphie rien que par indications, sans avoir à montrer. L’interprète devient alors interprète de ce que je ressens et non de ce que je montre. J’essaie toujours d’éliminer le mimétisme de mon travail car cela crée des barrières dénaturant le sens profond du mouvement et de la chorégraphie.

Il est vrai que cela crée des rapports très intenses avec les interprètes. Ce moment de la création où tout provient du tréfonds de la personne constitue un passage très délicat. Il se produit une sorte de corps à corps, avec sa propre sensibilité et celle de l’autre, qui met en jeu des forces obscures que l’on doit à la fois laisser émerger et contrôler. En fait, c’est la création elle-même qui prend le contrôle .C’est elle qui détermine les structures en même temps qu’elle prend forme. Une aventure intérieure d’où le créateur fait émerger sa création, qu’il façonne en même temps. Cela représente bien sûr une grande responsabilité de la part du chorégraphe vis à vis de ses danseurs. Mais, en géneral, on sent très bien d’emblée si quelqu’un est prêt à ce voyage intérieur ou non. Il est vrai qu’on voudrait toujours avoir la personne avec laquelle on travaille comme écoute et comme résonance. Mais cela peut se faire sans aucun rapport de possession, l’essentiel étant de toujours laisser à l’autre sa liberté.

Cette période cruciale dans le processus de la création, est toujours vécue avec une joie intense et une grande inquiétude.C’est un sentiment ambivalent difficile à décrire; ce qui est certain c’est qu’on arrive à un stade où sincérité, la charge émotionnelle sont si fortes que les obstacles sautent, les choses deviennent très claires et semblent prendre forme d’elles-mêmes. C’est en général un processus très rapide, l’aboutissement d’un travail souterrain qui, lui, a pu prendre des années." Eric Senen




Trois glissades pour Eric Senen
par Michel Waldberg



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J’ai souvent imaginé une peinture, un dessin qui reproduirait les mouvements, n--7-2006-80x120.jpg
la circulation des joueurs au cours d’une partie de football. Ou les
déplacements, le bougement des danseurs au fil d’une chorégraphie.
Il arrive  qu’une encre d’Eric Se
nen me donne le sentiment que cette
gageure a été accomplie, ne laissant de la matérialité de l’acte
qu’une trace que le peintre, le pisteur laisse à voir ou, parfois, à deviner.


 
Un ami cher me disait autrefois préférer le dépouillement des arbres en hiver à leurn--5-2006-80x120.jpg feuillaison, laquelle dissimulerait leur essence. D’autres encres de Senen évoquent des ramures qui se découpent et méandrent contre un ciel de neige. Ainsi Senen dompte-t-il « le vide papier que sa blancheur défend ». Entrelacs, filets, résilles, enchevêtrements, labyrinthes,, lacis  -- le dessin se fait réticulaire, comme le système nerveux d’un être de pure imagination.

 

n--9-2006-80x120.jpgLe peintre Shitao, qui signait ses œuvres de l’hétéronyme Citrouille-amère, écrivit en 1710 un précis de peinture où il traite, particulièrement des relations entre le pinceau et l’encre. Il assigne au peintre le pouvoir « de tirer du pinceau et de l’encre une réalité qui ait chair et os, expansion et unisson, substance et fonction, forme et dynamisme, inclinaison et aplomb [….]exprimant dans chaque détail la totalité de son âme et la plénitude de son esprit ».  L’on peut supputer que Senen, dans son travail, s’emploie, comme y invite encore  Shitao, à utiliser l’encre en la douant d’esprit.

Michel Waldberg est oète, prosateur, essayiste, polémiste redoutable,
traducteur de Lowry et de Philip Roth.




Camera Lucida a été présentée

le vendredi 28 et samedi 29 septembre 2007 à 20h


+ d'infos sur Eric Senen et sa compagnie • www.cielets.com




* Une chambre claire ( ou parfois camera lucida ) est un dispositif optique utilisé comme aide au dessin par les artistes et breveté en 1806 par William H. Wollaston.La chambre claire effectue une superposition optique du sujet à dessiner et de la surface où doit être reporté le dessin. L’artiste utilise cette superposition pour placer des pointsclés du sujet à reproduire, ou même ses grandes lignes. La perspective est reproduite de façon parfaite, sans construction.


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